samedi 5 octobre 2013

Exposition Jacques Declercq Aire sur la Lys

















Enfant unique, j'ai dessiné pour occuper ma solitude.  Encore aujourd'hui il m'est impossible de réaliser sans concevoir par le dessin, et j'ai toujours le sentiment d'atteindre à une dimension mystérieuse de moi-même au premier trait sur la feuille blanche.
Je me souviens d'émotions qui remontent à mon enfance devant les graffitis creusés dans le plâtre, j'ai retrouvé des souvenirs plus tard devant les tableaux de Jean Dubuffet. J'ai eu ma première émotion esthétique devant une carte postale en couleur, elle représentait une main, l'index tendu qui occupait toute l'image. J'ai su après qu'il s'agissait d'un détail de la chapelle Sixtine peint par Michel Ange ; j'ai ressenti ce qu'était la qualité plastique.
Jeune étudiant, Cézanne m'a éclairé dans la remise en question de l'espace pictural, le cubisme m'a préparé à l'abstraction, plus tard j'ai éprouvé de l'intérêt pour des artistes comme Pierre Courtin en rupture avec la gravure traditionnelle, Raoul Ubac, Etienne Hajdu, le mouvement Support-surface. Des artistes qui ont eu des rapports étroits avec la matière.
Peut-être qu'à notre époque hyper technologique, où s'impose le virtuel, il est rassurant de trouver des îlots de résistance où l'on s'attache à préserver une dimension humaine négligée, la sensualité.
Je donne et je reçois, je suis dans l'échange. Je donne des explications qui m'obligent à clarifier ma démarche, à en trouver le sens et la cohérence, quand je ressens une adhésion à ma démarche, je me considère bien payé.


Mon atelier se situe sur deux niveaux :
 Au premier près du sol c'est un lieu sombre, monacal fermé au contingences du monde mais ouvert sur l'imaginaire, un lieu propice à la vacuité de l'esprit mais encombré d'outils de presses à produire l'osmose entre le papier que je fabrique et la planche que je creuse, c'est le lieu où sont pendus comme des amulettes des bois travaillés et rejetés par la mer, des talismans qui suscitent l'émulation et l'envie de refaire.


Le second niveau est réservé à l'épreuve de la clarté, c'est la lumière qui va révéler, exalter les effet de l'étreinte sous la presse de deux matières destinées à se rencontrer. C'est le lieu du jugement, de la compassion et des choix, c'est le lieu de l'offrande à voir et à toucher. C'est sans doute un lieu envié, une espèce de refuge à cultiver la passion, où les craintes sont souhaitées et les efforts consentis.


Je suis moins le graveur qui cherche dans sa pratique à multiplier une image que celui qui creuse pour trouver, pour s'inscrire durablement dans la matière et y laisser un témoignage de vie.
Le mot artiste me semble réservé et place dans une situation d'isolement, je préfère être désigné comme pratiquant d'un art de vivre.


Enseignant d'école d'art, je n'ai jamais cherché à vivre de ma pratique, je l'ai toujours ressenti comme une nécessité intérieur, une raison de vivre.
A 83 ans l'imagination et les projets me font vivre, l'art me porte à entreprendre et me donne le sentiment de m'accomplir.
La cohérence de mon travail me donne la sensation de complétude, c'est en assumant toutes les phases de la réalisation, depuis la mise au jour du papier jusqu'à l'épreuve sous presse, c'est le cheminement sans rupture du concepteur au réalisateur qui me procure ce sentiment.
La déception est inhérente à la recherche, elle entraine à recommencer, il faut passer par des phases de doute et de découragement pour connaître les joies souvent brèves que procurent les réussites.
Jacques Declercq




4 commentaires:

  1. Magnifiquement Magnifique!

    RépondreSupprimer
  2. toujours autant de plaisir a voir , a parcourir des yeux l exposition et ses oeuvres
    didier

    RépondreSupprimer
  3. c'est vrai, quel maitre!
    N

    RépondreSupprimer
  4. L'Homme est beau...L'exposition sublime.
    Quel travail, là encore, la créativité de l'artiste est sans limites!

    RépondreSupprimer